Sommaire
Titre - Title
Une autre figure du primitif : Django Reinhardt selon Hugues Panassié
Another figure of the primitive: Django Reinhardt as seen by Hugues Panassié
Résumé - Abstract
« […] il est vrai qu’il appartient, comme les Noirs, à une race primitive », écrit Hugues Panassié à André Hodeir au sujet de Django Reinhardt, dans une lettre du 18 février 1942, entre parenthèses. Cette parenthèse est significative du problème que pose Django au raisonnement primitiviste de Panassié, dont on connaît le mécanisme d’authenticité : le vrai jazz est noir, un point c’est tout. Django, lui, n’est pas noir, mais ne peut pas non plus être assimilé à un Blanc, car appartenant, dans l’imaginaire racialiste de Panassié, à une « race » préservée de la décadence qui frappe l’homme blanc « civilisé ». Par ailleurs Panassié, dans son combat effréné pour distinguer le jazz à la fois de la musique « classique » et des musiques « folkloriques », a d’abord spécifié que contrairement à la « musique sensuelle […] comme celle des tziganes, qui nous enveloppe dans une certaine atmosphère, sans plus », le jazz est au contraire « une musique intellectuelle dans ce sens que ses développements s’adressent avant tout à l’intelligence » – mais une intelligence dépouillée de tout « affinement néfaste ». Primitif, mais plus sophistiqué qu’un « simple » musicien tzigane, et primitif mais d’une nuance moins « nègre » : Django est une autre figure du primitif qui entre en tension avec la construction idéale du raisonnement racialiste panassiéen, dans un paradoxe qui ne cesse de se reconfigurer et que nous observerons à l’aune des écrits publiés de Panassié mais aussi de plusieurs correspondances inédites.
"It is true that he belongs, like Blacks, to a primitive race," writes Hugues Panassié to André Hodeir about Django Reinhardt, in a letter dated 18 February 1942, in parentheses. This parenthesis is indicative of the problem Django raises for Panassié's primitivist argument, whose authenticity mechanism is well known: real jazz is black, period. Django is not black, but he cannot be assimilated to a white man either, because he belongs, in Panassié's racialist imagination, to a "race" shielded from the decadence that strikes the "civilized" white man. Moreover, Panassié, in his frantic struggle to distinguish jazz from both "classical" and "folk" music, first specified that unlike "sensual music [...] such as that of the gypsies, which envelops us in a certain atmosphere, but no more," jazz is, on the contrary, "an intellectual music in the sense that its developments are addressed above all to the intelligence" - but an intelligence stripped of all "harmful refinement. Primitive, but more sophisticated than a "simple" gypsy musician, and primitive but with a less "negro" shade: Django is another figure of the primitive who clashes with the ideal construction of Panassie's racialist thinking, in a paradox that never ceases to reconfigure itself and that we will observe in the light of Panassie's published writings, but also of several unpublished letters.
Mots clés - Keywords
Jazz - Critique musicale - Histoire des représentations - Musique et identité
Jazz - Music criticism - History of representations - Music and identity
Biographie - Biography
Pierre Fargeton est maître de conférences HDR à l’Université Jean-Monnet (St-Étienne). Chercheur à l’IHRIM (UMR 5317), il a publié l’ouvrage André Hodeir : le jazz et son double (Symétrie, 2017), récompensé par le Prix du Livre de jazz 2017 de l’Académie du jazz, ainsi qu’une somme consacrée au critique de jazz Hugues Panassié, Mi-figue, mi-raisin (correspondances Hugues Panassié - André Hodeir), suivi de Exégèse d’un théologien du jazz (la pensée d’Hugues Panassié dans son temps), Outre Mesure, 2020. Il est aussi l’auteur de Boppin’ with Django (Delatour, 2021) et de deux collectifs chez Hermann (Écoute multiple, écoute des multiples, 2019 ; Une musicologie entre textes et arts : hommages à Béatrice Ramaut-Chevassus et Alban Ramaut, 2021).
Pierre Fargeton teaches at the Université Jean-Monnet (Saint-Étienne), as well as being a Researcher at the IHRIM (UMR 5317). His book André Hodeir: le jazz et son double (Symétrie, 2017) was awarded the Prix du Livre de jazz 2017 by the Académie du jazz. He has most recently published a compendium devoted to the jazz critic Hugues Panassié, Mi-figue, mi-raisin (correspondances Hugues Panassié - André Hodeir), followed by Exégèse d'un théologien du jazz (la pensée d'Hugues Panassié dans son temps), Outre Mesure, 2020. He is also the author of Boppin' with Django (Delatour, 2021) and of two collective works published by Hermann (Écoute multiple, écoute des multiples, 2019 ; Une musicologie entre textes et arts : hommages à Béatrice Ramaut-Chevassus et Alban Ramaut, 2021).
Citer cet article - How to cite this article
Pierre Fargeton, « Une autre figure du primitif : Django Reinhardt selon Hugues Panassié », Musique en acte 2 (2021), p. 107-121. [https://creaa.unistra.fr/publications/revues/revue-musique-en-acte/revue-musique-en-acte/musique-en-acte-2-2021/, consulté le JJ/MM/AAAA.]
Pierre Fargeton, "Une autre figure du primitif : Django Reinhardt selon Hugues Panassié", Musique en acte 2 (2021), pp. 107-121. [https://creaa.unistra.fr/publications/revues/revue-musique-en-acte/revue-musique-en-acte/musique-en-acte-2-2021/, accessed DD/MM/YYYY.]