En bref
Ce groupe de travail a pour objectif de développer les premières enquêtes iconologiques débutées dans le programme de recherches interdisciplinaires Cultures visuelles de l’ACCRA (UR 3402) ouvert à l’Université de Strasbourg en 2017. Il s’inscrit dans les visual écologies studies, un champ de recherche présent à l’Université de Strasbourg depuis septembre 2022. Emergent en France et à l’international ce champ d’études mêle Arts, études des cultures visuelles et humanités écologiques. Ce groupe de travail s’élabore dans le prolongement de deux projets de recherche : Nature en colère (IDEX 2023-2024), qui a mis à jour quelques réflexions liminaires au sujet d’un corpus élargie de représentations du concept de « nature » à l’écran (cinéma et télévision) ; et Ecoféminismes en série (2023-2027) qui pose quant à lui les bases d’un premier questionnement autour d’un corpus de productions audiovisuelles figurant le rôle des féminismes en écologie et de quelques pratiques comme le militantisme, la spiritualité, la conceptualisation, la subsistance, le soin, la reproduction, etc.).
A l’heure où l’on prend de plus en plus conscience de l’existence de liens entre domination de la nature et domination des femmes et des minorités (Hache, 2024), peut-on dire que certains féminismes portent un regard écologiste sur le monde ? Et si tel est le cas, quelles formes visuelles et audiovisuelles prennent ces visions dans la culture populaire et les séries télévisées ? En quoi les fictions sérielles et les personnages de fictions peuvent alors nous aider à incorporer les pratiques et les enjeux écoféministes ? Quels liens existent-ils entre les actions écoféministes et les pratiques fictionnelles et spéculatives ? Les fictions sérielles audiovisuelles peuvent-elles nous les montrer ? Existe-t-il dans ce cas une culture audiovisuelle des imaginaires écoféministes ? Et plus précisément, est-il possible de retrouver une culture audiovisuelle des liens entre féminismes et écologie dans les séries (culture populaire), dont certaines semblent proposer une relecture contemporaine des écoféminismes ? A partir de ces premières questions, l’objectif du groupe de travail est d’enrichir une étude approfondie des représentations de pratiques écoféministes et des rapports entre les femmes, la nature et l’écologie dans la culture populaire (séries télévisées).
Matérialisée par des images (visuelles et sonores), la culture visuelle des féminismes en écologie n’apparaît pas d’elle-même. Sa découverte nécessite de mener plusieurs formes d’enquêtes : visuelle (iconographique), critique (iconologique), et socio-historique (culturelle). Ces images, nous en connaissons certaines, nous les côtoyons même souvent, mais nous ne les associons pas toujours aux mouvements de résistances, aux pratiques, aux récits et aux transformations écoféministes. Pourquoi ? Tout simplement parce que les écoféminismes ne sont pas des doctrines ou des idéologies qui ont fait de ces images leurs emblèmes. En les décrivant, il ne s’agit pas alors de créer de nouvelles icônes écoféministes (le risque lorsque l’on associe des images à des faits, à des personnes ou à des idées). Il s’agit surtout de les requestionner. Elles sont un point de départ pour réinventer le présent : montrer ces images audiovisuelles et les décrire, les reconnecter aux problématiques collectives et leur redonner une existence dans les enjeux contemporains. Il s’agit alors de rendre conscient ce qu’elles représentent pour les luttes, les pratiques et les récits alternatifs reliant les humains aux problèmes terrestres.
Dédié à l’étude de la culture audiovisuelle des féminismes en écologie, ce groupe de travail a débuté ses recherches à partir de plusieurs questions plus ciblées. Que pouvons-nous penser de certaines images (représentations visuelles et sonores) d’écologie, de lutte ou de nature impliquant des postures féministes ? Ces images nous aident-elles pour autant à nous sentir concernés par les questions qui se posent entre écologie et féminismes, entre nature et culture ? Comment ces images sont-elles alors choisies pour représenter les mouvements féministes en écologie ? Constituent-elles une véritable culture audiovisuelle des écoféminismes ? Et d’ailleurs, quelles sont ces images ? Les combats, les pensées, les pratiques écologistes promues par des femmes ont-elles produit des images ? Existe-t-il alors une culture audiovisuelle des écoféminismes ? Quelles images sont présentes autour de nous, mais que l’on ne relie pas directement à ce mouvement ? Quelles images ont justement accompagné toutes ces années les idées, les textes, les luttes et les pratiques écoféministes ? Quelles images, retrouvées dans l’histoire, l’artisanat, les récits, ou les mythes rendent compte de l’investissement des femmes et des féminismes dans les questions concernant les effets des projets capitalistes et coloniaux, ou encore du programme patriarcal moderne, sur les humains et les non humains ? Quelles formes prennent ces initiatives dans la culture populaire et notamment dans les séries télévisées ? Quels impacts ont alors ces images sérielles sur nos propres pratiques ? Ont-elles vraiment la capacité de nous éduquer et de nous faire réfléchir ?
Le groupe de travail poursuit ses recherches selon deux approches :
- l'écologie visuelle à travers les recherches iconographiques et iconologiques des féminismes en écologie : il s'agit d'analyser les motifs récurrents retrouvés dans un vaste corpus de séries, et donc de mener une enquête écologique visant à révéler les choix esthétiques, eux-mêmes puisés dans divers imaginaires (littéraires, scientifiques, historiques ou mythologiques) rapprochant les femmes et la nature, les féminismes et l’écologie, ou les partages ontologiques, et, afin de reconstituer une iconographie des pratiques écoféministes, de retrouver les correspondances entre les images empiriques historiques et celles fictionnelles des séries ;
- l'épistémologie des fictions audiovisuelles à travers une analyse réflexive des personnages à l’écran : il s'agit de mener une étude épistémologique des personnages de fictions, dans le but d’interroger le rôle réflexif que tiennent les séries dans notre propre capacité à incorporer au quotidien les pratiques féministes écologistes que les images font performer à l’écran. Média, milieu, ou véhicule, les séries font vivre les imaginaires écoféministes directement dans notre quotidien, mais bien plus que des représentations, les images agissent en nous accompagnant jusque dans nos réflexions. Comment ce processus réflexif, cette agence des images, opèrent-ils alors à partir des séries télévisées ?
Ce groupe de travail sur la thématique « Culture audiovisuelle des féminismes en écologie » ambitionne de répondre ainsi à un aspect d'un champ de recherche plus large qu'est « L'art en action ».