Notre étude de la musique pour orgue en France à l’Age classique se centre sur sa dimension signifiante, et tout particulièrement sur sa fonction représentative face au sacré. Notre intérêt a pour origine un constat : à l’heure actuelle, les travaux les plus importants consacrés à ce répertoire négligent la question, alors que la genèse de cette école organistique coïncide avec l’un des moments historiques les plus remarquables de la spiritualité catholique française (en effet, le XVIIe siècle n’est pas seulement le « Grand siècle des idées » mais aussi le « Grand Siècle des âmes »). Dans cette optique, et partant du principe que la musique religieuse peut se comprendre comme un produit esthético-théologique façonné en fonction des besoins symboliques et expressifs de la liturgie (au même titre que d’autres manifestations d’art sacré), ce travail cherche à mettre en lumière la manière dans laquelle, grâce à un ensemble de catégories esthétiques et de topiques musicaux dirigés par des principes rhétoriques, la musique des organistes français peut communiquer les notions fondamentales de la doctrine chrétienne. Pour ce faire, nous explorons successivement les contextes culturel et spirituel du XVIIe siècle en France, les éléments constitutifs de l’univers signifiant du répertoire (en vue d’établir la manière dont la transmission de sens est opérée), l’organisation stylistique du répertoire (dans le but de faire ressortir le rapport entre forme et signification musicale), et finalement, d’un point de vue herméneutique, l’œuvre de trois compositeurs majeurs de cette tradition organistique (Nicolas de Grigny, Jean-Adam Guilain et François Couperin), nous permettant de corroborer la portée exégétique de leur musique.