A la fin du XXe siècle, la musique savante a renversé l'hégémonie du paramètre de la hauteur. L'esthétique « post-Darmstadt » a étendu sa pensée à l'échelle du timbre. Mais cette mutation s'opère de façon détournée, sans renoncer au corrélat de la note et de la lutherie classique, au point d'établir, depuis les années 1980, une véritable écriture instrumentale du son complexe. Dès lors, que devient la hauteur en tant que paramètre de rationalisation du son et comment le modernisme évolue-t-il dans son rapport au matériau ? Il s'agit ici d'entreprendre la généalogie des fonctions structurantes acquises par la hauteur au cours d'un processus cumulatif de rationalisation du son. Les techniques de l'écriture instrumentale du son complexe sont ensuite définies par les densités timbriques et harmoniques qui subvertissent la hauteur classique. Cette pseudomorphose de la hauteur pose enfin une question esthétique et, plus largement, philosophique : celle d'un dépassement du critère historique du matériau. La pensée tardive d'Adorno, qui conceptualise une modernité critique dont la dialectique négative rompt avec la modernité affirmative héritée de Hegel, est ici utilisée comme clé d'interprétation d'un modernisme musical qui se redéploie au sein d'un contexte postmoderne.