En bref
Du 24 au 26 septembre 2019
de 09h45 à 18h30
Misha (université de Strasbourg)
5 allée du Général Rouvillois, 67000 Strasbourg
salle de Europe
Cité de la Musique et de la Danse
A place Dauphine, 67000 Strasbourg
Auditorium
BNU de Strasbourg
6 place de la République, 67000 Strasbourg
Auditorium
Entrée libre
Colloque organisé par Anne-Sylvie BARTHEL-CALVET, Pierre MICHEL et Stéphane ROTH, avec le soutien du GREAM, de l'Université de Strasbourg, de la HEAR, du Festival Musica et de la BNU de Strasbourg. Le colloque est accompagné d'une masterclass à la Cité de la Musique et de la Danse mercredi 26 septembre 2019.
Musiciens et chercheurs abordent les différentes facettes du corps en musique à travers des conférences, des performances et des entretiens avec les artistes. Conçu comme un espace de partage des savoirs, ce colloque est ouvert à tous les publics.
Le XXe siècle a été marqué par plusieurs phases d’appropriation et de transformation du corps dans les arts : le corps phénoménologique de l’entre-deux-guerres, le corps mécanique ou mutilé ; le corps supplicié, mis à nu ou administré de l’après-guerre ; le corps émancipé, libéré, performé des avant-gardes des années 1960-1970, etc. Aujourd’hui, la culture numérique, les réalités alternatives et augmentées, ou encore la modélisation de la nature et les conceptions environnementales qui en découlent, conduisent les compositeur.trice.s à s’interroger sur la virtualité des corps musiciens.
Dès le début des années 60, Dieter Schnebel avec sa Visible Music II (Nostalgie) pour chef d’orchestre solo, entend répondre à la fois à l’hyper-cérébralisation du sérialisme intégral et au desembodiment de la musique électro-acoustique, par définition acousmatique, c’est-à-dire sans support visuel. Remettant l’accent sur cette évidence fondamentale que la performance musicale est d’abord celle d’un ou de plusieurs corps, il ouvre ainsi à la création musicale un champ qui n’a plus cessé d’être exploré depuis 50 ans.
Les idées de Schnebel ont suscité de très vifs débats – par exemple, lors de l’édition 1966 des Darmstädter Ferienkurse – et une prise de conscience chez un certain nombre d’autres compositeurs, à commencer par des personnalités créatrices déjà aussi affirmées que Stockhausen, Berio ou Kagel qui se lancent, en particulier, dans le « théâtre musical », où le corps musicien est mis en exergue.
Dans le dialogue avec le ou les instruments qu’il réinvente, le corps interroge à la fois sa propre matérialité et celle des instruments avec lesquels il interagit : à travers la recherche de sonorités inédites, les compositeurs reconsidèrent à la fois l’action du corps, sa gestualité et les enjeux notationnels qu’elle implique.
Mais le rapport duel entre le corps et son environnement amène – inévitablement ? – à envisager le corps lui-même comme instrument, et c’est sans doute là un des fils rouges qui relie le gesto vocale de la Sequenza III de Berio à ?Corporel de Globokar, Antinoo de Francesco Filidei et The Vanity of Small Differences de Jennifer Walshe.
Avec le corps, c’est aussi l’expression musicale – y compris dans ses acceptions les plus sentimentales – qui fait irruption, elle qui avait été bannie comme dévoiement d’une certaine pureté musicale. Car, avec sa polysémie, le corps draine avec lui toute une « extra-musicalité » qui revient en force et dont les créateurs s’emparent avec une certaine gourmandise. La technologie s’en mêle, démultiplie les possibles : les corps confrontés à la réalité virtuelle, plus que niés ou dépassés, sont impliqués dans leur dimension proprioceptive fondamentale comme dans The Flat Time Trilogy d’Óscar Escudero
Mais le corps n’est pas seulement celui du musicien ou du performer, c’est aussi celui de l’auditeur-spectateur qui, comme Schnebel le soulignait dans son texte Sichtbare Musik, a besoin de voir pour comprendre la musique et qui, comme en miroir, est sollicité dans sa dimension kinétique-même.