En bref
Du 9 octobre 2015 au 10 octobre 2015
de 09h15 à 18h00
Fondation Lucien Paye
45 Blvd Jourdan, 75014 Paris
Gare Cité Universitaire (RER B – Tramway 3a)
Entrée libre
Colloque organisé en hommage à F.-B. Mâche pour son 80e anniversaire par Marta GRABOCZ et Geneviève MATHON, avec le soutien du GREAM, du Laboratoire Littératures, Savoirs et Arts de l'Université Paris-Est Marne-La-Vallée et de l'Institut Universitaire de France. Le colloque est accompagné d'un concert donné par l'Ensemble Accroche Note vendredi 9 octobre 2015.
François-Bernard Mâche est l’un des créateurs les plus originaux et les plus innovants de la musique française contemporaine.
Il est un compositeur qui est aussi un musicologue, un zoo-musicologue qui est aussi un esthéticien. Il est un linguiste qui s’intéresse aussi au fonctionnement du système nerveux et du cerveau ; un mythologue qui est aussi un chercheur dans l’analyse des sons et des sonagrammes. De ses activités multiples résulte une œuvre qui regroupe à la fois celles d’un compositeur, d’un scientifique et d’un philosophe de la musique. Une œuvre qui contient environ cent dix opus musicaux, six ouvrages, quelque cent soixante-dix articles et plusieurs recueils de textes sur la musique dont il est l’éditeur délégué.
Il est l’inventeur des notions de « zoo-musicologie » et de « phonographie » dans les années 1970-1980 ; il est le premier à avoir réalisé en France une œuvre « spectrale » en transcrivant à l’orchestre les sonorités (d’après une analyse par sonagramme) d’un poème lu de P. Eluard (Le son d’une voix, 1964).
Il est le père du courant appelé « naturalisme sonore » qui a plusieurs représentants, y compris dans la plus jeune génération des compositeurs de différents pays.
Dès les années 1980, il esquisse le nouveau rôle du compositeur et les fonctions de la musique propres à notre « civilisation planétaire » de la fin du XXe siècle et du début du XXIe. En écoutant, analysant et exploitant dans ses œuvres les lois sonores de la nature (aussi bien celles des éléments que celles des manifestations sonores de certaines espèces animales), il réhabilite la dimension du sacré.
Il a introduit la notion d’archétype sonore au cœur de la réflexion et de la création musicales. L’idée consiste dans la mise en évidence de certains archétypes sonores (génotypes et phénotypes) que la musique a le pouvoir de révéler. Ainsi est postulée l’identité fondamentale de certaines structures formelles, aussi bien dans la nature que chez les animaux et les hommes. Mâche questionne donc la notion d’universaux en musique, en rapport avec la zoo-musicologie et la bio-musicologie. La prise en compte de traits communs entre les civilisations éloignées et les langues est un autre aspect de cette quête autant musicale qu’anthropologique.
Dès 1983, il aborde la question des neurosciences en rapport à la musique, à savoir « la mise en évidence de fortes analogies entre des musiques animales et humaines qui conduit à s’interroger sur l’origine biologique de ces analogies ». « …On devrait abandonner l’idée que la dimension historique est la seule clef d’interprétation des phénomènes humains, et que la pensée mythique représente une étape dépassée. Les fortes analogies qui m’ont permis de rassembler dans une même séquence des enregistrements allant du Niger à Taïwan ne peuvent s’expliquer par d’improbables contacts historiques oubliés (…). L’explication la plus simple, donc la plus scientifique, est qu’une même structure mentale archétypale s’est traduite ici et là, indépendamment, en des génotypes semblables, qui ont engendré au niveau phénotypique des compositions musicales très proches. »
Ses hypothèses des années 1980 pourraient être pleinement confirmées aujourd’hui par l’évolution des neurosciences en rapport avec les invariants.
Sa musique accompagne sa réflexion scientifique de manière personnelle et libre : il utilise les modèles sonores en suivant, entre autres, l’évolution de la technologie.
L’idée d’une musique mixte nouvelle (post-varésienne) naît dès 1960 (Volumes), complétée par celle de la spatialisation du son (douze pistes enregistrées). Dans les années 1960-1970 apparaissent les modèles (tels que les langues, leurs analyses phonétiques, etc.) et leurs transcriptions dans La peau du silence, puis Le son d’une voix. Cette dernière pièce de 1964 offre la création de la première œuvre « spectrale » avant la lettre (transcription à l’orchestre d’un poème lu et analysé par spectrogramme). Rituel d’oubli (1968) et Korwar (1972) inaugurent l’utilisation d’enregistrements de langues remarquables (le guayaki, le selk’nam, le xhosa) dans des œuvres mixtes, ainsi que l’intégration - sans manipulation - de sons bruts naturels reconnaissables. Danaé (1970) et Kassandra (1977) sont les premières d’une longue série de pièces et de titres se référant à la mythologie. Le théâtre musical prend sa place à partir de Da Capo (1976) jusqu’à Temboctou (1982, 1995). Le modèle visuel et une sorte de synthèse des modèles sonores s’imposent dans Octuor (op. 35, 1977), puis dans Eridan (op. 57, 1986). Les langues en voie de disparition puis les langues mortes ou celles de civilisations lointaines seront « ressuscitées » à l’aide d’échantillonneurs dans Uncas (1986), suivi de Trois chants sacrés (1982-1990), dans Kengir (cinq chants sumériens, 1991), Manuel de Résurrection (égyptien ancien, 1998), etc. Les rituels et cérémonies servent de modèle dans Rituel pour les mangeurs d’ombre (1979), Khnoum (1990), Les 12 lunes du Serpent (2001), Melanga (2001), etc. Les échantillonneurs apparaissent comme les compagnons indispensables de la voix solo ou des instruments, et le potentiel grandissant de l’enrichissement des sources sonores enregistrées se retrouve – entre autres - dans un concerto pour échantillonneur et orchestre en 1993 (L’Estuaire du temps), dans une pièce vocale et instrumentale (Aliunde, 1988), puis dans Vectigal libens (2000), Melanga (2001), etc. Dans les années 2000, l’ordinateur avec sons enregistrés remplace les bandes magnétiques à côté des instruments solos ou de l’ensemble instrumental dans Canopée (2003), Chikop (2004), Manuel de conversation (2007), Artémis (2008), etc.