Les places publiques antiques comme lieux de production artistique depuis 2021

En bref

     Ce groupe de travail articule cette thématique avec le programme de recherche « Espaces sonores et espaces urbains de la Méditerranée ancienne », initié en 2012 par Sybille Emerit, Sylvain Perrot et Alexandre Vincent. Après deux ouvrages consacrés d’une part à la notion de « paysage sonore » et d’autre part à la lexicographie des sons dans l’Antiquité, ainsi qu’une exposition itinérante « Musiques ! Echos de l’Antiquité », le programme prévoit une attention plus spécifique à la fabrique du sonore et la relation spatiale entre espaces de production et espaces d’interprétation. Pour ce faire, il est prévu de répertorier, documenter et analyser les vestiges archéologiques des instruments de musique des mondes égyptiens, grecs et romains, du IIIe millénaire av. J.-C au IVe s. après J.-C., au sein d’un corpus unique accessible en ligne, sous la forme d’une base de données intitulée RIMAnt (Repertorium Instrumentorum Musicorum Antiquorum), développée avec l’outil Heurist à la MISHA et hébergée sur les serveurs d’Huma-Num. Malgré leur importance, tant en nombre que dans la qualité des informations qu’ils sont susceptibles de fournir, les vestiges archéologiques des instruments de musique antiques, au cœur des actes interartistiques des cultures antiques (performances rituelles et cultuelles, poésie lyrique et dramatique, spectacle vivant…), n’ont jamais fait l’objet d’un corpus analytique spécifique. Éparpillés dans de nombreux musées (pourtour méditerranéen, Europe, Amérique du Nord), ils sont bien souvent mal identifiés, voire non publiés faute de connaissances. Cet outil permettra des études sérielles et typologiques, susceptibles de mieux les dater voire d’identifier leur provenance. Les trois aires culturelles considérées ayant été en contact au cours de leur histoire, RIMAnt contribuerait à mieux saisir les évolutions de l’instrumentarium et à mieux apprécier les transferts culturels entre les espaces méditerranéens.

     Les instruments de musique sont des témoins historiques importants qui nous renseignent sur les croyances religieuses (objets cultuel et dépôts votifs dans les sanctuaires et les tombes), le statut des individus qui exercent le métier de musicien dans des espaces urbains ouverts (carrefours, places publiques, etc.) ou spécifiques (théâtre, odéon, etc.), mais aussi sur leur utilisation comme insigne de pouvoir ou marqueur social. Leur facture nous apporte également des informations sur l’artisanat antique, l’origine des matériaux employés ainsi que leur valeur marchande, et donc les circuits d’échanges commerciaux. Les données rassemblées au sein de RIMAnt permettront aux chercheurs d’étudier les instruments tant du point de vue de leurs caractéristiques organologiques que de leur signification historique et culturelle. De surcroît, elle aiderait à identifier des objets dans les réserves des musées ou issus de fouilles récentes.

     L’étude de la musique, de la vie musicale et des paysages sonores des anciennes civilisations méditerranéennes s’est considérablement développée ces dernières années. Plusieurs groupes d’étude internationaux ont été créés comme The International Society for the Study of Greek and Roman Music and its Cultural Heritage (MOISA), The International Study Group on Music Archaeology (ISGMA) ou le programme « Paysages sonores et espaces urbains de la Méditerranée ancienne » initié par trois Écoles françaises à l’étranger (EFE) en 2012 (Ecole française d’Athènes [EFA], Ecole française de Rome [EFR] et Institut français d’archéologie orientale [IFAO]). Pourtant, hormis quelques rares études ponctuelles, les instruments de musique de l’Antiquité n’ont jamais été systématiquement étudiés.

     Plusieurs projets indépendants ont pavé le chemin de RIMAnt et garantissent tant son intérêt que sa faisabilité :

  • la base de données Meddea (Musique et danse de l’Égypte ancienne), développée à l’IFAO entre 2006 et 2010 par Sybille Emerit et non publiée à ce jour : conçue pour rassembler aussi bien les vestiges archéologiques des instruments de musique, que l’iconographie et les sources textuelles en rapport avec la musique égyptienne de l’Ancien Empire à l’époque romaine, elle rassemble environ 1000 fiches sur les objets sonores ;
  • le séminaire sur la terminologie de la musique mené à la Scuola Normale Superiore de Pise entre 2008 et 2009, ainsi que celui sur les instruments conduit au laboratoire d’archéologie musicale de l’université de Bologne à partir de 2017 par Donatella Restani ;
  • le projet TeMA de Paola Dessì sur les instruments de musique antiques conservés dans les musées et collections du Triveneto ;
  • le travail sur les vestiges d’instrument de musique dans le cadre du programme « Paysage sonore » (harpes égyptiennes, auloi grecs, cornua romains) et plus particulièrement de l’exposition Musiques ! Echos de l’Antiquité (Louvre-Lens, CaixaForum de Barcelone et Madrid, septembre 2017-août 2018) ;
  • l’enquête interdisciplinaire sur les cornua de Pompéi dirigée par Christophe Vendries, avec la participation d'Alexandre Vincent ;
  • le mémoire de membre de l’EFA de Sylvain Perrot, « L’artisanat des instruments sonores en Grèce antique : étude archéologique et sociohistorique », déposé à l’AIBL en 2015.

     Pour d’autres périodes de l’histoire, on signalera l’existence du Musical Instruments Museums Online (MIMO). Il s'agit d'un portail qui relie entre elles les collections d’importants musées d’instruments de musique, tels que le musée de la Philharmonie de Paris, le Musée des Instruments de Musique (MIM) de Bruxelles, ou encore la Galerie de l’Académie de Florence, sous la forme de notices succinctes. Le MIMO ne comprend pratiquement pas d’instruments de musique de l’Antiquité, car la grande majorité d’entre eux sont conservés dans les musées d’archéologie.

     Le corpus considéré pour ce projet est celui des vestiges archéologiques des instruments de musique découverts en Egypte et dans les monde grecs et romains, sur le pourtour méditerranéen. Il se compose d’instruments à cordes (harpes, lyres, cithares et luths), à vent (flûtes, hautbois, trompes, orgue) et à percussion (claquoirs, sistres, clochettes, tambours, cymbales etc.). Il s’agira d’une part de collecter les données publiées dans les ouvrages, articles et catalogues de musées et d’autre part d’organiser les informations au sein d’une base de données.

     Dès septembre 2019 des discussions ont été engagées avec d’autres collègues spécialistes des instruments de musique de périodes plus récentes et des petits objets archéologiques (Rodolphe Bailly, Philharmonie de Paris pour le consortium MIMO ; Miguel Feugère pour la base de données Artefacts) mais aussi avec des informaticiens à même de créer l’outil : Bruno Morandière (EFE), Hélène Jamet (MOM), Emmanuelle Morlock (HiSoMA), Régis Witz et Tara Cooke (MISHA). L’alignement des rubriques avec des référentiels (tels que Zotero, GeoName, Periodo, ArchéoRef etc.) est un élément fondamental dans les choix à venir pour garantir l’interopérabilité du produit final. Notre souhait est en effet de mettre en place une base de données accessible en ligne, sur le modèle de la science ouverte et des principes FAIR. Afin de créer un outil de référence pour la communauté scientifique (archéologues, musicologues, historiens, conservateurs de musée), l’équipe proposera d’une part l’utilisation d’un vocabulaire organologique qui prendra en compte les thesaurus existants en musicologie et d’autre part la mise en place de protocoles adaptés pour décrire, mesurer et photographier des objets musicaux dont la structure peut être complexe, d’autant plus lorsqu’ils sont composés de divers matériaux (métal, os, bois, peau, fibres végétales…) et qu’ils sont ornés voire inscrits.

     Ce groupe de travail sur la thématique « les places publiques antiques comme lieux de production artistique : artisanat et exécution » ambitionne de répondre ainsi à un aspect d'un champ de recherche plus large que sont les « Paysages sonores et espace urbain ».

Partenariats

      Le travail de ce groupe s'effectue notamment avec la MISHA qui héberge la Plateforme Humanités Numériques et qui met à disposition l'outil HEURIST pour développer la base de données RIMAnt (hébergée sur les serveurs d'Huma-Num).

Participants

     Membres du CREAA

     Collaborateurs extérieurs

  • Sibylle EmeritChargé de recherche en archéologie au CNRS (UMR Hisoma)
  • Alexandre VincentMaître de conférences en histoire romaine à l'Université de Poitiers
  • Christophe VendriesProfesseur en histoire romaine à l'Université Rennes 2
  • Daniela CastaldoProfesseur associé en musicologie et histoire de la musique à l'Università del Salento, Italie
  • Paola DessìProfesseur associé en musicologie et histoire de la musique à l'Università degli Studi di Padova, Italie
  • Donatella RestaniProfesseur en musicologie et histoire de la musique à l'Università di Bologna, Italie
Musées de la Ville de Strasbourg
Opéra National du Rhin
Conservatoire de Strasbourg
CDMC