Durant les années vingt, s’implante face aux célèbres Ballets russes, une compagnie scandinave qui est rapidement considérée par les critiques et le public averti de l’époque comme sa principale concurrente. Pendant ses cinq années d’existence (1920-1925), les Ballets suédois, créés par Rolf de Maré et son chorégraphe Jean Börlin contribuent à hisser le ballet au niveau des autres arts. Alors qu’il est mandaté par de Maré pour acheter le bail du Théâtre des Champs-Elysées pour sept ans, Jacques Hébertot, secrétaire général, revient sur la dénomination de la compagnie dans sa lettre du 3 septembre 1920 : « Je comprends très bien que le titre de Ballets scandinaves ne vaut pas grand-chose et c’est pourquoi j’avais proposé Ballets suédois ; cette formule a l’avantage d’être courte et d’être assez sympathique au public, la Suède devant être la saison prochaine excessivement à la mode » (dans ANDRIEU-GUITRANCOURT, Antoine, BOUILLON, Serge, Jacques Hébertot le magnifique, Paris-Bibliothèques Fondation Hébertot, 2006, p. 47.).
Le nom de la compagnie est-il uniquement fixé sur un effet de mode plutôt que sur l’affirmation d’une identité culturelle ? Ces propos ne résument-ils pas justement toute l’ambiguïté identitaire de cette compagnie ? En effet, Rolf de Maré ne voulait-il pas créer une troupe qui soit « capable non seulement d’exécuter [leurs] danses nationales, mais, poussant plus loin sa science […] de traduire plastiquement les émotions des artistes » (MARE, Rolf (de), « Naissance et évolution de Ballets suédois », Les Ballets suédois dans l’art contemporain, Paris, Trianon, 1931, p. 26.) ?
Avec l’appui des correspondances et témoignages des différents protagonistes de cette aventure suédoise, nous retraceront la genèse de la constitution de cette compagnie. Il s’agira ensuite de s’interroger d’un point de vu musical et scénique sur la place et le rôle de la tradition culturelle suédoise à travers l’étude de la programmation de de la compagnie.